PSYCHOLOGIE : ADDICTION A L’ALCOOL
PSYCHOLOGIE : l’addictologie :
Docteur Philippe ARVERS : L’ALCOOL ET LES JEUNES
Les enfants entendent partout parler de l’alcool. Ils vivent au milieu de l’alcool : Lors de repas familiaux ou amicaux, à la télé, sur les publicités, dans les magasins, dans la rue. Ils grandissent et comme ils ont inscrit dans leur inconscient l’alcool comme étant un moyen festif et agréable qu’ils se doivent d’inviter plus tard lors de leurs soirées quand ils deviennent adolescents et c’est ainsi qu’ils finissent, au risque de flirter avec la dépendance, sans modération devant l’alcool.
Parmi les déterminants cliniques les mieux validés du risque d’abus d’alcool et d’alcoolo-dépendance figurent : la tendance à chercher des sensations fortes, la résistance aux effets de l’alcool et la consommation précoce d’alcool. Les jeunes aiment l’alcool et en consomment presque plus que les adultes.
Le Dr Philippe Arvers médecin épidémiologiste et addictologue, spécialisé dans les comportements des jeunes adultes avec la consommation d’alcool, de tabac et de drogue, vous met en garde contre les nouveaux comportements des adolescents.
« Nous sommes dans l’air du « binge drinking ». Cet anglicisme désigne la consommation d’une très grande quantité d’alcool dans un minimum de temps. Pratique très courante dans les pays anglo-saxons et nordiques, le « binge drinking » gagne du terrain en France. Alors que les générations précédentes consommaient de l’alcool en quantités raisonnables, à table et principalement du vin, aujourd’hui, il n’est plus question de dégustation mais plutôt de recherche d’ivresse avec des conséquences sanitaires et sociales désastreuses.
En rupture avec les générations précédentes, les jeunes ont été appâtés voire piégés par ces cocktails sucrées et sur alcoolisés. L’adaptation des alcools aux goûts des jeunes est responsable du rapport qu’entretiennent les adolescents vis-à-vis de l’alcool. Aujourd’hui, ils n’hésitent plus à ingérer de grandes quantités d’alcools forts et de bière pour atteindre rapidement des états ébriétés importants.
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L’abus d’alcool touche toutes les couches sociales. Les intoxications au GBL (molécule chimique, contenue dans certains solvants industriels, destinés aux professionnels) recensées ces dernières années en sont la preuve. Cette substance qui peut être toxique et qui tend à remplacer l’alcool, se trouve très facilement en boîte de nuit, sur internet, ou dans les raves party. Apprécié pour ses vertus euphorisantes, ce solvant est beaucoup moins cher que l’alcool, d’où son succès auprès des jeunes.
Les études ont toutefois révélé que, parmi les facteurs associés à l’ivresse et à la dépendance, on retrouve beaucoup plus d’enfants de familles aisées. Ces derniers ont plus d’argent de poche et par conséquent plus de pouvoir d’achat et d’où leur facilité à se procurer de l’alcool.
« binge drinking » oblige, les jeunes, n’ont plus de limites. Ils consomment de grandes quantités d’alcool (5 verres et plus par occasion), en des temps records. Pour les ados, fin de semaine et fêtes riment avec alcoolisation à outrance. Si officiellement la vente d’alcool est interdite aux mineurs, dès 14-16 ans, beaucoup d’adolescents consomment des boissons alcoolisées dans les bars, en achètent dans les grandes surfaces ou se réunissent à leur domicile pour des fêtes dangereusement alcoolisées. A l’âge de 16 ans, plus d’un garçon sur 10 (13%) et plus d’une fille sur 15 déclarent avoir eu au moins 6 épisodes de « binge drinking » au cours des 30 derniers jours. L’alcoolisation de la jeunesse devient donc un enjeu majeur !
De nombreuses études ont démontré que la part de la génétique a autant d’influence que le milieu et l’environnement. On estime qu’il y a une héritabilité de la dépendance à l’alcool, au tabac et aux autres drogues. Cette transmission inter familiale est de 60% pour l’alcool et le tabac, de 70% pour la cocaïne et les stimulants et de 40% pour les hallucinogènes. En ce qui concerne les conséquences de l’alcoolisation pendant la grossesse, nous n’avons pas de recul suffisant pour analyser les répercussions sur l’adolescent. Il est toutefois certain que l’alcoolisme de la mère a des effets sur la santé et sur le rapport de l’enfant à la boisson ».
Nous avons voulu vous communiquer un extrait du site du Docteur ARVERS pour que vous y trouviez l’envie d’aller le lire de plus près car il renferme des informations très intéressantes :
« L’expérimentation précoce de l’alcool, c’est-à-dire avant 13 ans, est souvent mise en avant comme un facteur de risque. Ce comportement est en effet associé à d’autres comportements comme les ivresses, la consommation de tabac ou de drogues illicites. C’est donc comportement qu’il importe de mesurer dans le temps et d’expliquer autant que possible.
Avec le soutien de l’Ireb, le docteur Philippe Arvers a entrepris d’analyser simultanément les principales enquêtes conduites auprès des jeunes depuis une quinzaine d’années en France (données INSERM 1993 et ESPAD 1999-2003-2007).
Base | ENADO93 | ESPAD99 | ESPAD03 | ESPAD07 | Total |
garçon | 1588 | 2242 | 2174 | 2308 | 8312 |
fille | 1607 | 2134 | 2322 | 2410 | 8473 |
Total | 3195 | 4376 | 4496 | 4718 | 16785 |
Il s’intéresse plus particulièrement à la consommation précoce, à ses facteurs associés ainsi qu’à ses facteurs de vulnérabilité.
L’analyse du docteur Arvers montre pour sa part qu’après l’expérimentation de l’alcool, la première ivresse et l’expérimentation du tabac et du cannabis surviennent au cours de l’année suivante. Ainsi, plus tôt on consomme de l’alcool, plus tôt surviendra la première ivresse et plus tôt sera fumée la première cigarette (ou le premier “joint”). L’alcoolisation précoce est corrélée avec de nombreux comportements (ce qui ne signifie pas qu’elle en soit la cause), notamment : la consommation régulière d’alcool et de cannabis et les consommations ponctuelles à risque (cinq verres et plus en une seule occasion). L’expérimentation d’autres drogues illicites et les ivresses répétées sont également associées à une alcoolisation précoce.
Facteurs de risque associés à une alcoolisation précoce
Risque | |
Ivresses régulières | augmenté de 39% |
5 verres d’alcool ou plus par occasion | augmenté de 28% |
Cannabis régulier | augmenté de 68% |
Expérimentation d’autres drogues illicites | augmenté de 80% |
Ivresse précoce (moins d’1 an après la première prise d’alcool | multiplié par 9 |
Ces phénomènes sont plus fréquents chez les garçons. En revanche, la consommation précoce d’alcool n’est pas associée à la consommation quotidienne de tabac.
Source : LA LETTRE D’INFORMATION DE L’IREB – N° 38 / Janvier 2010
Les conséquences :
Développement d’une alcoolodépendance
- Ralph Hingson et al. (2006) ont montré qu’une alcoolisation avant l’âge de 14 ans augmente le risque de développer une alcoolodépendance à l’âge adulte (78%) et dans les 10 ans qui suivent la première alcoolisation (69%),
- Ina Koning et al. (2009) fait le même constat : une consommation précoce d’alcool est associée à un risque plus élevé d’alcoolodépendance 10 ans plus tard, et le recul d’une année de consommation réduit le risque d’alcoolodépendance de 14%,
- Deborah Dawson et al. (2008) montre que le risque de développer une dépendance à l’alcool est multiplié par 3,8 lorsque la consommation d’alcool a lieu avant l’âge de 18 ans.
Atteintes du système nerveux central (SNC)
L’imagerie par résonance magnétique objective également l’atteinte du SNC de manière très fine, y compris chez les adolescents
- atteinte globale,
- Sandra Chanraud et al. (2006) montre que la perte de matière grise du cervelet et des régions frontales (perte de 20%) est d’autant plus importante que le contact avec l’alcool est précoce.
- atteinte de la matière blanche et du corps calleux : les études de De Bellis en 2005 et Medina et al. en 2008 montrent une diminution du volume de la matière blanche au niveau du cortex préfrontal, chez des adolescents consommant de grandes quantités d’alcool.
- Tim McQueeny et al. (2009) a fait passer une IRM à 28 adolescents de 16 à 19 ans : ceux qui avaient consommé au moins 5 (4 pour les filles) boissons alcooliques lors d’une soirée, dans les 3 mois précédents l’IRM présentent une diminution significative du volume de la matière blanche, au niveau du cortex frontal, des aires sous-corticales, du cervelet, du lobe pariétal, et du lobe temporal.
Ceci révèle ainsi les répercussions sur le fonctionnement cognitif : apprentissage, mémorisation et fonctions exécutives. Cela met ainsi en jeu la vie scolaire, universitaire et l’avenir professionnel des jeunes.
Le rôle central des parents :
Lors de la 35e Matinée de l’IREB, Marie Choquet, directeur de recherche à l’Inserm au sein de l’unité “Santé de l’Adolescent” (U 669) et présidente du comité scientifique de l’Ireb, a présenté une revue de la littérature sur ce sujet. Celle-ci montre d’ailleurs que les études sur le rôle des parents sont assez récentes et proportionnellement plus développées en Europe qu’aux Etats-Unis où c’est le rôle des pairs qui est plus souvent étudié. Un phénomène sans doute dû au constat de la prise d’autonomie des adolescents vis-à-vis de leurs parents, à l’idée que les pairs jouent un rôle plus important à l’adolescence ou à celle selon laquelle les parents n’ont plus d’influence sur leurs adolescents. Pourtant, les études pointent l’importance des parents bien au-delà de l’âge de la majorité.
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Si le rôle des parents diminue pendant l’adolescence et celui des pairs augmente, il est toujours présent même à l’université : Abar et Turrisi (2008) ont montré que plus les étudiants percevaient que leurs parents cherchaient à savoir comment ils passaient leur temps libre, moins ils passaient de temps avec d’autres étudiants consommateurs excessifs d’alcool et moins ils buvaient d’alcool. Une implication élevée des parents dans la vie de leurs enfants est associée à des relations de moindre importance entre l’influence des pairs et la consommation d’alcool (Wood et al., 2004 ; Call & Labrie, 2010).
Parents, ados et alcool – France2 – 18 Janvier 2010
A visiter le site du Docteur ARVERS :