MARIA MONTESSORI
Un article interessant de Maria Montessori qui n’est pas de nous mais que nous tenions à partager en cette rentrée scolaire :
En lisant n « »article sur la fessée, plusieurs personnes ont « sursauté » en lisant la phrase « les caprices n’existent pas ». Je comprends que cette phrase puse faire réagir, puisqu’on nous dit le contraire depuis toujours. Pour admettre que les caprices des tout-petits sont un mythe, il faut sacrément remettre en question nos convictions passées, des choses que l’on pensait acquises, et forcément, ce n’est pas chose facile. Moi aussi, il y a quelques années, lorsque je voyais un enfant crier et se rouler par terre au restaurant, je me disais « il fait un caprice, que font ses parents ? ». Ce n’est qu’après avoir eu mon fils et en me documentant sur le développement de l’enfant et le fonctionnement de son cerveau que j’ai compris ce qu’il en était vraiment. Et j’en suis vraiment heureuse, parce que dans les moments de crise, il est tellement plus facile de garder son calme lorsque l’on sait que notre enfant ne « nous fait pas marcher », qu’il n’agit pas de la sorte pour nous embêter ! Oui, les tout-petits font de nombreuses crises, et non, il ne s’agit pas de « caprices ». Le « caprice » tel qu’on l’entend induit la notion de manipulation : l’enfant se mettrait dans tous ses états pour obtenir ce qu’il veut. Or avant l’âge de 4-5 ans, c’est tout simplement impossible : il n’en a tout simplement pas les capacités intellectuelles. Un test simple consiste à prendre une boite à forme et à demander à l’enfant d’insérer une forme dans le trou correspondant. S’il doit tester avant de trouver le bon trou, s’il ne réussit pas du premier coup à chaque fois, s’il ne parvient pas à formuler verbalement la bonne réponse, alors il n’est pas capable de manipuler ses parents. Pour l’immense majorité des enfants, cela ne sera acquis qu’après l’âge de 4 ans. Et même après cet âge, on aura encore tendance à interpréter à tort des manifestations certes dérangeantes, mais naturelles et normales de l’enfant, comme des intentions de nuire. Finalement, ce sont les adultes qui voient le mal là où il n’est pas ! Lorsqu’un adulte ne mange pas, on dit qu’il n’a pas d’appétit. Lorsqu’un enfant ne mange pas et refuse de manger lorsqu’on insiste, il « fait un caprice ». Lorsqu’un adulte ne veut pas dormir, on comprend qu’il n’a pas sommeil. Lorsqu’un enfant ne veut pas dormir et qu’il refuse d’aller au lit sous la commande de l’adulte, il « fait un caprice ». En fait, sont communément appelés « caprices » les manifestations dérangeantes de l’enfant que les adultes ne comprennent pas. Lorsqu’un adulte a soudainement une réaction disproportionnée, ses proches vont dire qu’il a eu une mauvaise journée, qu’il est tendu en ce moment parce qu’au travail ce n’est pas facile, qu’il a besoin de se reposer ou de prendre du temps pour lui. Lorsqu’ un enfant a une réaction disproportionnée, c’est un « caprice ». On ne cherche pas à comprendre plus. Pourtant, les tout-petits ont tellement plus de raisons d’être frustrés et en colère que nous ! Imaginez : ils sont très dépendants des adultes, ont du mal à se faire comprendre, sont limités physiquement par leur petite taille, apprennent une quantité impressionnantes de nouvelles choses tous les jours, avec les essais/erreurs qui vont avec… Ajoutez à cela que leurs cerveaux encore immature ne leur permettent pas de gérer leurs émotions ni de prendre du recul sur ce qu’ils vivent, on comprend que certaines situations puissent mal tourner !
Dans cet article, je vais tenter d’expliquer pourquoi les tout-petits font des crises, afin de mieux comprendre ce qui se passe en eux pour mieux les accompagner. Et surtout, d’expliquer pourquoi le mot « caprice » est à bannir de son vocabulaire !
DES CHOSES IMPORTANTES À SAVOIR SUR LE PETIT ENFANT
IL NE PEUT PAS CONTRÔLER SES ÉMOTIONS
Le cerveau du petit enfant est très immature et avant 5 ans, c’est le cerveau archaïque et émotionnel qui domine. Le cortex préfrontal, qui permet de contrôler impulsions et émotions, ne commence sa maturation qu’entre 5 et 7 ans ! Les structures cérébrales permettant de se raisonner en prenant du recul sur une situation ne deviennent matures que vers 5-6 ans. Voilà pourquoi on appelle communément l’âge de 7 ans « l’âge de raison ». Voilà aussi pourquoi il est tout à fait normal que votre enfant de 3 ans se mette dans tous ses états simplement parce que vous n’avez plus son parfum préféré de compote pour le dessert. Ce n’est pas de la comédie, ce n’est pas qu’il cherche à vous manipuler pour parvenir à ses fins. Ce qui paraît un détail insignifiant peut relever pour lui de la plus haute importance. Alors, pour peu qu’il ait déjà accumulé un certain nombre de frustrations, pour peu que pour une raison ou pour une autre, il ne se sente pas au mieux de sa forme, la soupape explose et la crise éclate. Les sentiments qui le traversent sont réels : frustration, stress, mal être aigu. Bien que vous lui demandiez de se calmer, il continue de crier, et se roule même par terre ! Ce n’est pas qu’il ne veut pas se raisonner, c’est qu’il ne le peut pas. Son cerveau ne le lui permet pas. Il subit de plein fouet les émotions qui le submergent sans pouvoir les maîtriser. Et il en est le premier surpris et affolé ! Un adulte serait déçu de ne pas avoir la part de gâteau au chocolat qu’il avait tant convoitée pour son dessert, mais il pourra prendre du recul sur la situation en se disant que ce n’est pas si grave, qu’il en achètera une autre pour le repas de demain. S’il a « éclaté » parce qu’il était de mauvaise humeur (et oui, cela nous arrive aussi à nous !), il pourra comprendre que sa réaction immédiate est excessive, se calmer pour repartir sur des échanges plus sereins avec ses proches. Le tout-petit, lui, en est incapable. Dans l’attente du dessert convoité, son cerveau a fabriqué de la dopamine et des enképhalines, molécules du plaisir et de l’anticipation de la récompense. Lorsque pour une raison ou pour une autre vous lui refusez, ce taux de molécules chute brutalement, les centres de la douleur s’activent dans son cerveau. Douleur qu’il ne peut gérer seul pour l’instant. Ces réactions intenses peuvent être très impressionnantes et déstabilisantes pour nous, parents. Mais ce ne sont pas des caprices. Elles ne sont ni volontaires, ni calculées. Elles sont un appel à l’aide : « maman, au secours, aide moi, je suis mal, je ne comprends pas ce qui se passe en moi, je suis dépassé ». À nous d’y répondre…
Je me souviens d’une réaction de mon P’tit Loup qui m’a vraiment marquée. Il devait avoir environ 18 mois. Je lui avais dit que nous mangerions son plat préféré pour le déjeuner : des pâtes à la sauce tomate. Il était ravi ! Il a attendu calmement que le repas soit prêt, il était très impatient ! Et au moment de passer à table, alors que je pensais qu’il serait tout heureux de manger ses pâtes, il s’est passé une chose que je n’avais pas du tout imaginée : il a été sérieusement perturbé parce que les pâtes n’étaient pas celles de d’habitude. C’était la même chose : des pâtes d’épeautre complètes, mais ce n’était pas les fusilli auxquelles il était habitué, elles étaient en forme de papillon ! Il m’a communiqué sa surprise, m’a demandé ses pâtes. Il ne reconnaissait pas qu’il s’agissait de pâtes en fait. Quand je lui ai dit que c’était là son repas, il est passé par toute une palette d’émotions, et s’en est suivie une crise monumentale ! Honnêtement, si je n’avais pas été informée sur le fonctionnement du cerveau des enfants de son âge, j’aurais pensé que c’était un caprice ! La forme des pâtes paraît être une chose si futile ! Heureusement, étant informée, j’ai pu souffler un bon coup, me mettre à sa place pour comprendre ce qu’il ressentait, et l’accompagner de manière adaptée. Je lui ai dit qu’il avait raison : ces pâtes-ci étaient différentes. Que je comprenais qu’il avait imaginé les fusilli, que j’aurais dû lui dire à l’avance mais que je n’y avais pas pensé. Que je ne pensais pas que c’était si important pour lui. Qu’il avait le droit d’être frustré et en colère. Mais que c’était bien des pâtes, et qu’elles avaient le même goût. Je l’ai câliné. Une fois qu’il était un peu plus apaisé (mais toujours bien secoué), je lui ai proposé de goûter une pâte en forme de papillon. Je l’ai portée à sa bouche en essayant d’avoir l’air enthousiaste. Il a finalement goûté, il a aimé, et le repas s’est ensuite très bien passé, avec le sourire ! Si je l’avais « envoyé promené » en lui disant d’arrêter son caprice, je suis sûre que sa colère aurait redoublé et que le dénouement aurait été beaucoup moins heureux !
IL VIT DANS LE PRÉSENT
Nous adultes, pensons la plupart du temps en terme de finalité : notre cerveau nous permet de nous projeter instantanément dans le passé ou dans le futur. Nous planifions nos activités dans un but précis. Le petit enfant, lui, fonctionne totalement différemment : il vit ancré dans le présent. Au lieu de raisonner en finalité, il raisonne en processus : à son rythme, il expérimente pour comprendre le monde qui l’entoure. Il ne pense pas aux conséquences de ses actions au moment où il les réalise. Par exemple, les enfants aiment sauter dans les flaques d’eau, ce qui agace beaucoup de parents qui ne veulent pas qu’ils soient mouillés ou se salissent. Mais eux ne pensent pas qu’ils vont être mouillés, qu’ils risquent d’attraper froid ensuite, que cela va demander du travail supplémentaire à leurs parents. Tout ce qu’ils pensent à ce moment-là, c’est qu’ils ont très envie de sauter dans cette flaque pour voir l’effet que cela va avoir ! De plus, dans le cerveau des enfants de moins de 4 ans environ, les zones d’impulsions et d’inhibition ne sont pas encore bien connectées : ils n’ont pas la capacité d’inhiber leurs impulsions comme nous le faisons. Une fois qu’ils se sont mis en tête de sauter dans cette flaque, une fois que leur cerveau a construit cette image mentale, il leur est extrêmement difficile voire impossible de s’en empêcher ! Forcément, ces différences sont source de nombreux conflits entre adultes et enfants. Une crise typique encore une fois interprété à tort comme un caprice, est la suivante : l’enfant est très absorbé dans une activité, et le parent lui demande de s’interrompre immédiatement pour faire autre chose. Par exemple, quitter le square pour rentrer à la maison alors qu’il s’amuse sur le toboggan, ou passer à table alors qu’il est absorbé par son circuit de train. Dans ces situations, en tant que parents, on pense à tout ce que l’on a à faire et on s’impatiente vite. L’enfant, lui, est occupé, prend du plaisir, et n’a pas du tout envie de passer à autre chose quoiqu’en dise le parent ! Si le parent « force », alors il sera frustré et en colère. C’est normal, ce n’est pas un caprice. Son cerveau ne lui permet pas de se projeter comme nous le faisons. Dans l’immédiat, il ne pense qu’au plaisir qu’il va perdre à interrompre son activité du moment. Dans ce type de situation, le prévenir en amont plutôt qu’au dernier moment évitera bien des conflits. Une astuce très utile peut être de définir encore un temps précis de jeu, de lui dire concrètement ce que l’on fera ensuite, de lui faire valider la règle, et de compter avec lui. Par exemple, quand mon P’tit Loup, après s’être lavé les mains, est trop absorbé à jouer avec le robinet, je procède ainsi en comptant jusqu’à 10 avant de le fermer, et cela se passe très bien. Si je ferme le robinet d’emblée, forcément, c’est la crise assurée ! Une autre astuce est de compter les tours. Au square, on peut dire à l’enfant : « encore deux tours de toboggan, et ensuite, on va chercher le pain ». Et une fois les deux tours fait « viens, on va chercher le pain maintenant ! ». Ainsi, l’enfant est impliqué, n’est pas pris au dépourvu, et tout se passe bien . Cela fonctionne très bien ici !
IL A BESOIN D’EXPÉRIMENTER POUR COMPRENDRE LE MONDE
Le tout-petit est poussé par une force vitale intérieure très puissante pour découvrir le monde qui l’entoure. C’est un explorateur, un expérimentateur, et bien que cela déplaise souvent aux adultes, aller à l’encontre de cette soif de découvertes est vraiment nuisible à son bon développement. Il a non seulement envie, mais besoin de toucher/manipuler/déplacer les objets qui l’entourent, de marcher, de courir, de grimper, de porter des choses lourdes pour apprendre, se représenter le monde, et se construire. Concernant ce point, je vous invite vivement à lire mon article concernant la pédagogie Montessori, qui explique la notion de périodes sensibles, ces périodes où l’enfant saisit toutes les opportunités, dans son environnement, pour développer une compétence en particulier. Guidé intérieurement par une force très vive, il recherche activement les situations lui permettant de développer cette acquisition. Lorsqu’il parvient à se mettre en situation, il est capable d’une concentration intense, et ressent à l’issu de ce moment une grande joie, une paix intérieure. Une fois la période passée, la sensibilité cesse, et si des obstacles sont venus freiner l’enfant dans ses entreprises, alors il aura comme « manqué le coche », et l’acquisition en question sera beaucoup plus difficile à acquérir par la suite. Les adultes ont tendance à s’opposer à ces élans de vie naturels, et alors forcément, l’enfant s’oppose : il cherche à « faire son boulot » de bébé/de bambin/de petit enfant ! Il est frustré de ne pouvoir accomplir ce qu’il avait entrepris de faire, il est en colère contre cet adulte qui l’en empêche. Et comme nous l’avons vu, ne pouvant prendre de recul sur ce qu’il vit ni maîtriser ses émotions, cela peut vite déraper en énorme crise ! Maria Montessori souligne qu’en cas d’obstacle, l’enfant peut avoir des réactions très violentes, souvent qualifiées à tort de « caprices » par les adultes, alors qu’il s’agit en réalité de besoins intérieurs non satisfaits. Si l’enfant se calme immédiatement une fois qu’on le laisse agir, et se concentre longtemps sur sa tâche sans rien demander de plus à personne, alors c’est qu’il s’agissait bien d’une telle manifestation.
Empêcher l’enfant d’agir dans de telles circonstances est contre-nature, et le fait qu’il s’oppose est au contraire très normal et naturel ! Et en aucun cas il ne s’agit de « caprices ». Voilà ce qu’en disait Maria Montessori :
« L’esprit de l’enfant est disposé, jusqu’à ses racines, à l’obéissance. Seulement, quand l’adulte lui demande de renoncer à la commande du moteur qui le construit avec des lois inaltérables, l’enfant ne peut pas obéir. C’est comme si, à l’époque de la dentition, on lui demandait d’empêcher ses dents de sortir. Les caprices et la désobéissances de l’enfant sont les explosions d’un conflit vital entre sa poussée créatrice et son amour de l’adulte, qui ne le comprend pas »
Maria Montessori, L’enfant
L’ENFANT EST BON PAR NATURE
Penser que l’enfant fait des caprices, c’est avoir une image bien négative de lui ! Pourtant, les enfants sont au contraire plein de positivité, plein de vie, et bien plus innocents qu’on ne l’imagine. Oui, ils peuvent avoir des actions et réactions qui nous dérangent, mais non, ce n’est pas exprès pour nous embêter. Si on leur fait confiance, qu’on les respecte, qu’on leur laisse le temps d’apprendre, alors on constate qu’ils sont plein de bonne volonté et sont même capable d’auto-discipline. Il ne faut pas oublier que l’obéissance est un apprentissage comme les autres, qui prend du temps. J’en ai déjà parlé ici. Maria Montessori insistait beaucoup sur ce point : l’enfant est un « être d’amour » qui aime ses parents, et ne cherche jamais à les fâcher. Les conflits viennent de l’adulte qui ne comprend pas l’enfant au fonctionnement si différent.
« Qui sera ce maître d’amour ? Sans doute, celui qui traite de caprice toutes les manifestations de l’enfant et qui ne pense qu’à se défendre de lui ? Il est évident qu’il ne pourra être ce maître d’amour ; parce qu’il n’a plus cette sensibilité, cette « intelligence de l’amour ».
C’est au contraire, l’enfant, qu’il l’aime. Il désire l’adulte présent. […]
Quand il va se coucher le soir, l’enfant appelle la personne qu’il aime et la supplie de ne pas l’abandonner. […] L’adulte passe à côté de cet amour mystique sans s’en apercevoir. Et ce petit être qui nous aime grandira et disparaîtra. Qui donc nous aimera jamais comme lui ? Qui nous appellera jamais, sur le point d’aller se coucher, en disant : « Reste… ». Plus tard, il dira, indifférent : « Bonsoir, bonne nuit. »[…]Nous nous défendons devant cet amour qui passera. Et nous n’en trouverons plus un pareil. Trépidants, nous disons : « Je n’ai pas le temps. Je ne peux pas. J’ai beaucoup à faire. » Et nous pensons, en nous-même « il faut que ce petit se corrige, sans quoi nous serons esclaves. » […]
Un caprice terrible est celui qui consiste à éveiller ses parents, le matin, quand ceux-ci dorment encore. […]
Pourtant, quoi donc, sinon l’amour, pousse l’enfant, à peine éveillé, à chercher ses parents ?[…] Il court simplement pour revoir ceux qu’il aime. »
Maria Montessori, L’enfant
ALORS, QUE FAIRE EN CAS DE CAPRICE CRISE ?
CHERCHER D’OÙ VIENT LE PROBLÈME
Il est important de toujours bien se questionner sur la cause de la crise, pour mieux aider l’enfant à la traverser, et pour mieux la prévenir si la situation venait à se répéter. La crise est le symptôme, et non la cause du problème. Agir adéquatement en amont, dans le respect et la compréhension du développement de l’enfant, peut permettre d’éviter de nombreuses crises. Si d’emblée nous agissons avec humilité et empathie lorsqu’une situation se complique, il y a toutes les chances pour qu’elle se désarçonne rapidement.
Une crise peut-être dû à :
• Un besoin de stimulation non satisfait
J’en reviens à la notion de périodes sensibles : l’enfant a besoin de manipuler pour comprendre le monde qui l’entoure. Un grand nombre de crises peuvent être évitées si l’on prend soin de ne laisser à sa disposition que des objets ni dangereux ni fragiles, qu’il a le droit de toucher. Si, quand il s’apprête à se saisir de quelque chose qu’on ne peut lui laisser entre les mains, on prend le temps de lui expliquer doucement pourquoi on ne le laisse pas faire. Si, dans la mesure du possible, on le laisse découvrir l’objet en question accompagné de son parent, qui lui décrit, lui explique à quoi il sert/comment il fonctionne, avant de le ranger ailleurs. Ou alors si ce n’est pas possible, qu’on lui offre autre chose pour répondre à ce besoin de stimulation. Par exemple, mon P’tit Loup a traversé une période où il était très sensible aux versements, tellement qu’il avait tendance à renverser son verre d’eau à table volontairement. Plutôt que de le réprimander, je lui disais que je comprenais son besoin de verser, mais que le verre d’eau à table, c’était seulement pour boire. Je lui demandais de laisser ce verre pendant le repas, mais lui suggérais de faire une activité de transvasement juste après (verser de l’eau d’une petite carafe à une autre par exemple). Cela désamorçais le conflit qui aurait pu naître entre nous, et en général le repas se passait sans problème : il parvenait à attendre pour pouvoir verser de l’eau !
• Une perturbation dans sa représentation du monde
Le petit enfant essaie de se représenter le monde, c’est un besoin vital chez lui. Entre 6 mois et 2 ans, et même au-delà, il traverse ce que Maria Montessori appelle la « période sensible de l’ordre » : il est particulièrement sensible à l’ordre des choses. J’ai développé ce point ici. Si quelque chose vient perturber son ordre intérieur, il peut être sincèrement perturbé et avoir des réactions très violentes, souvent interprétées à tort de « caprices ». Ce peut-être parce qu’une chose n’est plus rangée à sa place habituelle : Maria Montessori donne l’exemple d’un enfant de 18 mois qui était inconsolable parce que sa maman ayant trop chaud, elle avait retiré son gilet et le portait sur son avant-bras. Dès qu’elle le remit sur son dos, l’enfant se calma. J’ai également remarqué que mon P’tit Loup, pendant de long mois, se mettait à pleurer ou à râler sérieusement lorsqu’une chose n’était pas à sa place habituelle, et se calmait immédiatement lorsque je la rangeais, l’air satisfait.
Ce peut être également parce qu’une routine est cassée. Isabelle Filliozat donne l’exemple d’un enfant qui part en crise parce qu’on lui met les chaussettes avant le pantalon, alors que d’habitude c’est le contraire. Ce changement de routine le perturbe profondément et est source de stress.
• Un besoin physiologique non satisfait/des douleurs/une maladie
Si l’enfant a faim, a soif, est fatigué, les hormones de stress inondent son corps et son cerveau, et il risque de partir en crise à la moindre contrariété. Ces crises ne sont pas des caprices, juste le signe extérieur que quelque chose ne va pas, comme la « partie émergée de l’iceberg ». Les douleurs ont le même effet. Je me souviens d’un week-end où mon P’tit Loup avait été particulièrement difficile : il enchaînait crise sur crise. Nous avions des amis à la maison, et l’un d’eux a laissé échapper qu’il était capricieux. J’ai bien sûr expliqué qu’il ne s’agissait pas de caprices, d’ailleurs, c’était tout à fait inhabituel. Peu après leur départ, nous avons remarqué que deux prémolaires avaient percé. Effectivement, il n’avait pas été facile pendant ce week-end, de nombreuses crises avaient éclaté « pour un rien », mais quand on y réfléchit, quel adulte ne serait pas de mauvaise humeur et désagréable avec son entourage lors d’une rage de dents ? Dans ce type de situation, l’important est de comprendre d’où vient le problème afin d’y remédier rapidement (soigner/donner un anti-douleur/nourrir/aider à l’endormissement…). Soulignons aussi que les aliments à indice glycémique élevé, et donc notamment les aliments contenant des sucres ajoutés, créent un pic d’énergie que les enfants peuvent avoir du mal à canaliser, et donc être générateurs de crises !
• Une décharge de tensions
C’est l’exemple typique de la crise au supermarché. L’exemple que j’avais cité dans mon article sur la fessée et qui a fait réagir ! Les nombreuses stimulations visuelles et sonores dépassent la capacité du tout-petit à les recevoir et à les traiter. Il est dépassé par toutes ces choses à voir, à entendre, à sentir. Par toutes ces tentations aussi : jouets, bonbons, gâteaux. Son cerveau ne suit plus, il est perdu. Son système nerveux est surchargé, et à la moindre contrariété (et on imagine bien que le supermarché est le lieu des frustrations par excellence pour un enfant !), il risque de décharger toutes ces tensions accumulées sous forme de crise spectaculaire. C’est pour cela qu’il est fréquent que des enfants hurlent et se roulent par terre lorsque leurs parents refusent de leur acheter quelque chose au supermarché, et c’est pour cela que malgré ce que l’on pourrait penser, il ne s’agit pas de caprices. L’enfant est sous stress. Il traverse une véritable tempête émotionnelle. Il est capital de se souvenir qu’il n’est pas en mesure de gérer ce stress seul. L’ignorer, c’est le laisser dans sa souffrance alors qu’il a besoin d’aide. Lui crier dessus, lui dire qu’il fait un caprice, le menacer d’une fessée ne fera que le stresser davantage. Et c’est sans souligner l’absurdité de la situation : le parent demande à l’enfant d’arrêter de crier en criant lui-même ! Il hurlera encore plus fort, ou alors, il se figera d’un coup, stupéfait de constater qu’il a perdu sa figure d’attachement : le parent n’est plus vu comme une source d’amour inconditionnelle auprès duquel il peut décharger ses tensions en toute sécurité. Dans les deux cas, ça ne va pas… Je me permets de citer un extrait du super livre « J’ai tout essayé » d’Isabelle Filliozat, qui décrit si bien le point de vue de l’enfant :
« Pourquoi tu es si fâchée ? Pourquoi tu m’en veux ? J’ai besoin de toi, maman, pour arrêter cette tempête. Je crie de plus en plus fort pour que tu m’aides… Ne m’abandonne pas à ma rage… Quand il y a trop de choses à regarder, sentir, entendre… Ma tête ne sait pas quoi faire… Oh, des bonbons ! Prendre les bonbons, c’est redevenir actif, savoir quoi faire.
Quand tu me les reprends, ma tête est perdue. Je le fais pas exprès, les hormones de stress inondent mon corps, mes neurones moteurs déchargent les tensions et je crie, je pleure, je me roule par terre, je me tape la tête sur le sol… Parfois, j’arrive à « tenir le coup » jusqu’à la maison et j’explose quand je t’ai à moi tout seul. Parfois, je n’y arrive pas ».
« Céder » en lui donnant ce qu’il voulait quand la crise à commencer (des bonbons par exemple), n’est pas non plus une bonne idée : outre le fait qu’il s’agirait de consentir à lui donner quelque chose de mauvais pour lui, les bonbons ne sont que l’élément déclencheur et la crise finira par éclater de toute façon. Le vrai problème, c’est la saturation nerveuse. Ce dont l’enfant a besoin à ce moment-là, c’est que son parent le contienne fermement (mais tendrement) contre lui en lui parlant doucement, avec empathie. La sécrétion d’ocytocine générée par le contact physique ainsi que par ces mots rassurants l’aidera à se calmer. S’il bouge vraiment beaucoup, le plus efficace sera de le tenir en mettant son dos contre notre ventre, et de laisser de la place pour que bras et jambes puis bouger librement. J’ai déjà entendu dire qu’il était impossible d’arrêter une crise sans crier. Je vous assure que c’est faux ! En faisant exactement ce que je viens de décrire dans une telle situation, mon P’tit Loup se calme généralement rapidement.
La meilleure arme reste encore la prévention : tant que possible, en évitant d’amener des tout-petits dans les supermarchés qui sont si inadaptés pour eux, on leur épargne et on s’épargne à soi-même ces moments difficiles… Si ce n’est pas possible, donner des missions précises à l’enfant (comme aller chercher les bananes, mettre trois pommes dans le panier…) est très efficace : cela lui permet de focaliser son attention sur une tâche en particulier. J’utilise déjà cette méthode avec mon P’tit Loup de 22 mois, et j’approuve ! Encore la semaine dernière, alors que nous faisions quelques courses dans une épicerie, j’ai senti que les petites tâches que je lui donnais lui permettaient de ne pas s’éparpiller. Et moi, cela me permettait de garder facilement un œil sur lui : je savais ce qu’il était en train de faire. Il n’y a pas eu de crise .
Une autre crise très commune de décharge est la suivante : une maman vient chercher votre enfant sur son lieu de garde. On lui dit que tout s’est très bien passé. Et là, au moment de mettre son manteau, il s’oppose, crie, et une crise spectaculaire s’en suit. L’interprétation commune est : « il fait un caprice ». Pire : « il fait un caprice avec sa mère alors qu’il était adorable avec moi. Ce doit être parce qu’elle n’est pas assez autoritaire. Avec moi, il obéissait : il sentait qu’il avait intérêt, ou sinon je ne me serais pas laissé faire ». Et bien non ! Que les pauvres mamans ayant été dans cette situation se rassurent : ceci est tout à fait normal. Votre enfant a pris sur lui pendant votre absence, n’osant pas exprimer ses émotions négatives auprès d’autres personnes. Mais vous, vous êtes sa figure d’attachement principale. C’est à dire que vous êtes sa source d’amour inconditionnelle, et qu’il se sent suffisamment en sécurité avec vous pour décharger toutes ses tensions accumulées. Il sait que malgré cela, vous continuerez de l’aimer. Il peut être lui-même. Ce n’est pas drôle pour vous, mais cela est NORMAL, cela veut même dire que votre relation va bien ! Et cela lui fait du bien : Il a besoin de cette décharge. En l’accompagnant avec empathie, vous l’aiderez à passer à autre chose, et ensuite, il se sentira beaucoup mieux !
Mon P’tit Loup a été un petit peu à la crèche pendant quelques mois lorsqu’il était bébé. Je me souviens que souvent, on me disait que tout s’était très bien passé, et il ne pleurait pas lorsque j’arrivais. Et puis je l’allongeais sur le tapis à langer pour l’habiller, et là, c’était le drame ! Je ne comprenais pas et je me demandais bien pourquoi il était plus difficile avec moi. Je me culpabilisais même un peu. Maintenant, je sais…
J’ai également un souvenir d’enfance très parlant je pense, à ce sujet. J’avais 6 ans et je prenais des cours de ski. Cette année-là, le moniteur était horrible : il disputait les enfants lorsqu’ils tombaient, lorsqu’ils étaient en difficulté… À un moment donné, notre groupe a croisé par hasard mes parents, qui sont venus me faire un coucou. Et là, je me suis automatiquement mise à pleurer. Mais je me souviens très bien que je pleurais de soulagement. J’étais tellement heureuse de les voir ! La pression retombait d’un coup. Et là, le moniteur a réprimandé mes parents, en leur disant que si je pleurais, c’était de leur faute ! Moi qui avais été une enfant « sage et facile » jusque-là, maintenant, je pleurais ! Il s’agissait clairement d’une décharge de tensions auprès de mes figures d’attachement, et non d’un caprice !
Finalement, lorsqu’on y réfléchit, nous adultes, fonctionnons de la même manière ! Qui n’a jamais « agressé » son conjoint « pour un rien » après une dure journée de travail ? Le conjoint, quand la relation est bonne, est également une source de sécurité inconditionnelle. Quand on a dû prendre sur soi toute la journée, il est courant d’exploser à la maison…
• Un manque d’attention et de manifestations d’amour
L’enfant a besoin de moments privilégiés avec ses parents, où ils sont pleinement disponibles pour lui. Les câlins, mots doux et autres manifestations d’amour, les vrais moments de jeux, contribuent à remplir son réservoir affectif. L’ocytocine sécrétée lors de ces câlins ou moments de jeux contribue au bien-être de l’enfant comme de ses parents. Dans le cas contraire, ses circuits cérébraux sont en manque, et cela peut se traduire par des comportements inappropriés, encore une fois interprétés à tort comme des « caprices ». Il est donc primordial de veiller à accorder chaque jour plusieurs dizaines de minutes d’entière disponibilité, pour le bien être de toute la famille… Si l’enfant vient nous solliciter alors qu’on est occupé (il demande à jouer avec nous par exemple), mieux vaut s’interrompre quelque seconde le temps de lui expliquer qu’on a bien compris sa demande, qu’on a très envie jouer avec lui tout de suite mais qu’on doit d’abord terminer quelque chose, et cela en le regardant en face. Cela vaut bien mieux que de répondre vaguement « oui oui » sans même le regarder puis de ne pas s’en tenir, ou alors de dire qu’on n’a pas le temps, ou ne rien répondre du tout et continuer l’air de rien (la crise aurait alors toutes les chances d’arriver, et ce ne serait certainement pas un « caprice » !).
• Une réaction à un comportement inapproprié/une maladresse du parent
On n’a généralement pas assez conscience de l’impact de nos propres comportements sur celui de nos enfants. Ce sont de véritables éponges à émotions. Si l’ambiance est tendue dans la maison, si par exemple les parents se disputent devant l’enfant, alors ce dernier risque de mal se comporter parce qu’il sera lui aussi stressé et tendu.
Et surtout, nous ne pensons pas suffisamment à l’impact que certaines paroles ou gestes qui semblent anodins peuvent avoir sur nos enfants. Isabelle Filliozat donne un exemple très parlant : une mère fait la vaisselle et sa fille vient la solliciter. Elle lui répond vaguement, sans la regarder, en continuant sa vaisselle. Puis, le téléphone sonne, et elle court décrocher à la seconde. La conclusion de la petite fille est sans appel : « maman ne s’intéresse pas à moi, le téléphone est plus important que moi ». J’ai également un exemple très concret qui vient de mon histoire personnelle. Je me souviens d’un jour lorsque j’étais petite, où ma maman m’a demandé, sur le chemin du retour de l’école, de marcher devant elle, de « partir devant ». En fait, je crois qu’on venait d’avoir une sorte de dispute, elle était énervée et préférais que je marche devant pour éviter de me dire des choses qu’elle aurait regretté par la suite, ce qui maintenant me paraît très sensé. Sauf que mon interprétation de petite fille était bien différente. Nous approchions de la route. D’habitude, elle me disait toujours de bien rester à côté d’elle et me demandait de lui tenir la main, en m’expliquant bien que l’endroit était dangereux puisqu’il y avait des voitures. Donc cette fois-ci, quand elle m’a demandé de marcher plus loin d’elle, ma déduction a été : « maman veut que je meurs ». C’est terrible, mais oui, c’est ce que la petite fille que j’étais a réellement pensé ! Quand je le lui ai dit, elle a bien sûr été ébahie par l’absurdité de ma pensée, et moi j’ai été blessée qu’elle ne me prenne pas au sérieux. On aurait pu penser que j’étais capricieuse, mais je vous assure que je m’en souviens, et j’étais réellement affectée ! Le livre d’isabelle Filliozat « Au cœur des émotions de l’enfant » donne énormément d’exemples de ce type, et permet de vraiment prendre conscience des émotions surprenantes que peuvent traverser les enfants, et à quel point il peut être difficile de décoder leurs comportements ! Oui, le métier de parent est bien difficile, une toute petite maladresse de rien du tout peut vraiment affecter un enfant…
Un autre type d’attitudes parentales inappropriées concerne le non-respect des besoins physiologiques de l’enfant. En tant que parent, on a souvent tendance à avoir des attentes erronées concernant ces besoins, que l’enfant est pourtant capable de gérer seul. Par exemple, l’appétit : combien de conflits à table pourraient être évités si les parents laissaient leurs enfants gérer leur repas en toute autonomie ! L’enfant ne mange pas ? Et bien, il n’a peut-être pas faim. Nous adulte, n’avons pas non plus le même appétit à tous les repas. Insister pour qu’il mange voire le forcer, même si cela part d’une bonne intention, c’est lui faire du mal, physiquement et psychologiquement. Forcément, l’enfant se révolte. Ce n’est pas un caprice ! Il ne veut pas aller se coucher ? Il n’a peut-être pas sommeil. Contrairement à la croyance commune, tous les petits enfants n’ont pas besoin d’aller se coucher à 20h tapantes. Comme les adultes, il y a des couche-tôt et des couche-tard. On le met au lit tout de même ? Il se sent exclu du cercle familial, aimerait rester avec le reste de la famille et faire autre chose. Il crie, il pleure. Ce n’est pas un caprice ! Comment réagirions-nous si notre conjoint nous envoyait au lit de force alors que nous sommes en pleine forme ?
Voici un autre exemple d’attitude génératrices de crises : l’adulte donne un ordre, l’enfant s’oppose, l’adulte insiste et se fâche. Alors l’enfant se met en colère et la crise éclate. Et non, encore une fois, ce n’est pas un caprice. L’enfant traverse une période, aux alentours de 2 ans, où il a véritablement besoin de se différencier de ses parents. Il comprend tout juste qu’il est une personne à part entière. Il a besoin de s’affirmer pour protéger cette « nouvelle » identité. Si l’adulte lui impose les choses sans le prendre en considération, il a l’impression de ne plus exister. Lors de cette période d’oppositions, donner un maximum de choix à l’enfant, dans un cadre défini, est très bénéfique. Le faire réfléchir aussi. Par exemple, avec mon P’tit Loup de 22 mois, si après manger il part jouer sans se laver les mains (c’est-à-dire presque à tous les coups, il est encore petit !), je lui demande : « tes mains sont propres ou sales ? ». Il me répond qu’elles sont sales. Je lui demande alors : « Que fait-on après manger pour qu’elles soient à nouveau propres ? ». Et là en général, il me répond avec le sourire « lavabo » et part se laver les mains ! Si je lui disais « tu viens te laver les mains parce que je l’ai décidé », si je le forçais, forcément il piquerait une crise de colère ! Expliquer le sens des consignes est également indispensables. Personne n’aime obéir au doigt et à l’œil à des ordres et interdictions, uniquement par soumission, sans comprendre pourquoi. Les adultes comme les enfants ! Un enfant peut se mettre en colère si on lui impose les choses de la sorte, comme un adulte le ferait dans une situation similaire, au travail par exemple ! Dirait-on de l’adulte qu’il est capricieux dans une telle situation ? Et souvenons-nous que le petit enfant ne peut prendre du recul et gérer ses émotions comme l’adulte…
Enfin, il est important de savoir que par leurs neurones miroirs, les enfants intègrent inconsciemment nos propres comportements puis les reproduisent. Si un enfant voit régulièrement ses parents crier et s’énerver quand quelque chose ne va pas, il en fera de même lorsqu’il est contrarié. Si au contraire, il remarque qu’ils résolvent les problèmes dans le calme, apprendra à agir ainsi. Si le parent crie et tape, il apprendra à crier et taper. Et on dira ensuite que c’est un enfant capricieux !
• … et bien d’autres choses !
Votre enfant traverse de très nombreuses crises en ce moment ? Cela paraît inhabituel ? Alors il est nécessaire de bien réfléchir à ce qui peut en être la cause. Y-a-til eu un gros changement dans votre vie dernièrement ? Un déménagement, le début de l’école, ou l’arrivée d’un petit frère ou d’une petite sœur par exemple ? Y a-t-il eu un autre événement qui aurait pu l’affecter dernièrement ? Des disputes entre ses parents, un décès dans la famille ? Votre enfant n’est pas un « enfant capricieux », il peut se sentir mal pour de nombreuses raisons qu’il faut essayer de décoder. Avec un enfant ayant bien acquis le langage, c’est plus facile : en l’interrogeant intelligemment, en étant à son écoute, il pourra vous donner des indices pour vous aider à comprendre…
RECONNAÎTRE ET ACCOMPAGNER LES ÉMOTIONS DE L’ENFANT
Nous avons vu qu’à cause de leur immaturité cérébrale, les tout-petits vivent vraiment les émotions de manière très intenses. Leur quotidien est ponctué de grosses colères, d’énormes chagrins, mais aussi d’explosions de joie ! Qui n’a pas vu un tout petit courir, crier ou rigoler de bonheur ? Alors oui, certaines manifestations sont plaisantes, d’autres très dérangeantes. Mais nous ne pouvons sélectionner les émotions que nous préférons et ignorer les autres. Nous devons toutes les accueillir, les accompagner, les respecter. La tristesse, la colère, la peur sont des réactions saines. L’enfant a besoin de se sentir accepté, compris et aimé par ses parents, en toutes circonstances. Comme l’explique la théorie de l’attachement, c’est ainsi qu’il construit sa confiance en lui et en ses parents. C’est cette base de sécurité qui lui permettra de gagner en autonomie et de s’ouvrir sereinement au monde qui l’entoure. Nicole Guedenay explique, dans sa conférence sur la théorie de l’attachement, que les bébés/petits enfants sont très pragmatiques : si les adultes ont des réactions négatives lorsque ceux-ci manifestent une émotion dérangeante, leur demandent « de ne pas pleurer », beaucoup (mais pas tous !) auront tendance à se renfermer sur eux-mêmes, à garder leurs sentiments pour eux. Ils recherchent le contact et l’affection de leurs figures d’attachement. Si « être tranquille » leur permet d’obtenir leur affection, alors ils seront « tranquilles » même dans les moments où ils se sentent mal. Pratique, me direz-vous ! Sauf qu’elle explique que le stress ressenti, lui, est maximal. Avec les effets néfastes sur le cerveau que l’on connaît. De plus, leur confiance en eux-mêmes en est altérée. Ils apprennent à taire leurs émotions négatives, coupant ainsi la communication avec leurs parents, et perdent confiance en eux, ce qui est très mauvais pour le lien d’attachement. Combien de parents se plaignent que leurs ados ne leur parlent jamais de leurs problèmes ? Pourtant, quoi de plus normal si dès le plus jeune âge, ils ont refusé d’écouter leurs colères, tristesses et chagrins en les qualifiant de « caprices » ?
Le Dr Cathrine Gueguen aborde ce sujet dans son livre « Pour une enfance heureuse » :
« Il est très facile d’avoir un enfant sage. Il suffit dès tout petit de ne pas l’écouter, de ne pas l’entendre, de ne pas répondre à ses demandes. L’enfant saisit très vite que ce n’est pas la peine d’appeler, car personne ne vient. Il refoule ses émotions, une partie de lui s’éteint. Il ne saura plus qui il est, quels sont ses besoins et ne demandera plus rien. En grandissant, ses parents auront des difficultés à connaitre cet enfant qui s’exprime si peu.
Par contre, quand ses parents écoutent leur enfant, l’autorisent à exprimer ses émotions, ses besoins, l’enfant sera « plus difficile » les premiers temps car il manifestera ses émotions : ses peurs, ses tristesses, ses angoisses, ses colères. Il ne les refoulera pas. Mais il saura affirmer aussi son bonheur de vivre, son émerveillement, sa gaieté, sa curiosité. Il sera plein de vie et emplira la maison de sa présence joyeuse. Au fil des années, les parents auront beaucoup plus de facilité et de bonheur à élever cet enfant épanoui, confiant, qui exprime ce qu’il est, ses besoins, ses souhaits et avec qui un dialogue pourra s’établir quand il rencontrera des questionnements ou des difficultés. »
Ce point concernant la relation parent-enfant me paraît vraiment important. Je ressens toujours une grande satisfaction lorsque je constate qu’à l’issue d’une crise (si je lui ai refusé quelque chose par exemple), mon P’tit Loup tout juste apaisé ne semble absolument pas m’en vouloir. Il est même fréquent qu’à peine la crise terminée, il me fasse des câlins, ou vienne vers moi pour jouer, rigoler ! Je me dis alors que notre relation n’en a pas été affectée, malgré qu’il n’ait pas obtenu ce qu’il désirait. Quelle bonne nouvelle ! Non, le parent n’est pas obligé d’être perçu comme le « méchant » par son enfant parce qu’il ne lui donne pas tout ce qu’il souhaite. On n’est pas obligé d’abîmer la relation sous prétexte d’éducation. Je pense que ces épisodes le font grandir, lui apprennent petit à petit à maîtriser ses émotions et à accepter la frustration.
Il est également important de savoir que plus l’adulte sera empathique avec l’enfant lors de ces tempêtes émotionnelles, plus il respectera et accueillera ses émotions avec douceur (ce qui ne veut pas dire « céder à toutes ses demandes » !), mieux son cerveau supérieur (qui contrôle le cerveau émotionnel et archaïque) se développera, et plus tôt il sera capable de contrôler ses émotions et de s’apaiser seul. Au contraire, si l’adulte rejette les émotions de l’enfant (en les qualifiant de « caprices », en criant, en le punissant, ou pire en le tapant), cette partie du cerveau se développera moins bien, et l’enfant pourra être encore sujet aux tempêtes émotionnelles à un âge où elles devraient devenir exceptionnelles. De plus, l’impact positif de l’accompagnement empathique des crises se fait sentir jusqu’à l’âge adulte : un enfant bien accompagné deviendra un adulte capable de mieux gérer ses émotions lors des situations difficiles. Il sera également plus apte à faire preuve d’empathie envers les autres, ce qui est très important pour les relations humaines !
Si l’on résume, accompagner les crises avec empathie permet de :
• Respecter l’enfant en tant que personne.
• L’aider à se calmer, à retrouver une paix intérieur, à se sentir sécurisé.
• Lui apprendre à connaître et à gérer ses émotions.
• Lui enseigner l’empathie.
• Préserver la relation parent-enfant et le lien d’attachement.
Pour accompagner efficacement, on peut :
• Nommer les émotions, même si l’enfant n’a pas encore acquis le langage : « Tu es très déçu parce que tu aurais aimé mangé cette glace ? Tu es en colère parce que je te la refuse, c’est ça ? ».
• Manifester son empathie : « Ah oui je comprends, tu avais très envie de manger cette glace. C’est vrai que c’est bon les glaces, moi aussi j’aime ça ».
• Expliquer : « Mais tu sais, je choisis de ne pas te l’acheter parce que l’on va bientôt dîner, et je pense que c’est mauvais pour toi de manger une glace juste avant le dîner. »
• Si nécessaire, prendre l’enfant dans les bras et le câliner pour déclencher la sécrétion d’ocytocine, qui l’aidera à se calmer.
• Une fois en grande partie apaisé, on peut attirer son attention sur autre chose pour l’aider à oublier cet épisode…
TRAVAILLER SUR LA SOURCE DU PROBLÈME
Je parle ici du cas où de violentes crises répétées et inhabituelles surviennent suite à un événement qui aurait affecté l’enfant. Par exemple, si un enfant refuse catégoriquement d’aller à l’école tous les matins, il est bon de se questionner sur ce qui se passe à l’école. Si l’on découvre qu’un autre enfant le malmène, alors il faudra prendre rendez-vous avec les parents de cet autre enfants, avec le personnel de l’école… Pour résoudre le problème à sa source ! S’attaquer à la cause (l’enfant vit mal ses journées à l’école) plutôt qu’au symptôme (il fait des caprices crises pour ne pas aller à l’école).
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En conclusion, si la société pouvait remplacer le mot « caprice » par « tempête émotionnelle », et l’expression : « il mériterait d’être corrigé » par « il mériterait d’être écouté, compris et accompagné », un grand pas en avant serait fait et elle ne s’en porterait que mieux ! J’encourage vivement tout parent se sentant démuni face aux crises ou autres comportements difficiles de son ou ses enfants à s’informer sur les méthodes non violentes de parentalité positive pour mieux parvenir à les gérer, dans le respect de l’enfant. Et pour commencer, je recommande vivement la lecture des livres suivant :
Au coeur des émotions de l’enfant , d’Isabelle Filliozat
Pour mieux comprendre ce qui se passe dans la tête et dans le cœur des enfants. Ce livre est plus axé sur la psychologie que les suivants. C’est un grand classique et je pense que ce peut être un excellent point de départ pour changer son regard sur l’enfant.
J’ai tout essayé , d’Isabelle Filliozat :
Il permet de mieux comprendre les comportements difficiles des enfants en offrant une approche scientifique, et de plus propose énormément d’astuces très concrètes pour les gérer. Un indispensable selon moi !
Vivre heureux avec son enfant , de Catherine Gueguen
Ce livre explique de manière très claire les dernières découvertes scientifiques sur le développement du cerveau de l’enfant. Les bonnes attitudes à adopter sont données au travers d’exemples très concrets sur des situations courantes de la vie quotidienne (Le Dr Gueguen a tiré ces exemples de ses consultations pédiatriques).
L’enfant, de Maria Montessori
Ce livre est beaucoup plus technique que les précédents, mais je le recommande vivement à ceux qui souhaitent approfondir leurs connaissances du développement l’enfant. L’approche révolutionnaire en éducation de Maria Montessori ne se limite pas aux apprentissages pédagogiques : c’est tout le développement psychique de l’enfant qui est abordé.