Comment se nourrir de la solitude ?
Pour la plupart d’entre nous, la solitude est quelque chose de perturbant ou même d’angoissant. Cependant, les moines réussissent à vivre une solitude qui leur est au contraire très bénéfique. Le livre « Quand les décideurs s’inspirent des moines » explique comment nous, et en particulier les décideurs, pouvons intégrer une solitude positive à notre quotidien.
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Les moines recherchent la solitude et le silence parce qu’ils s’en nourrissent. La solitude et le silence ouvrent un espace intérieur pour leur recherche spirituelle. C’est un espace pour laisser respirer l’âme, lui donner une chance d’exprimer ses aspirations profondes, se mettre à l’écoute de Dieu ou de sa nature de Bouddha. Même sans que cet espace soit formellement utilisé pour la prière ou la méditation, il est précieux. Il faut donc veiller à ce qu’il ne soit pas détruit par des paroles inutiles ou par l’incessant bavardage intérieur du mental.
Parce que le contact avec la nature favorise particulièrement le dégagement de cet espace, la plupart des monastères sont situés en pleine nature, souvent d’ailleurs dans des lieux magnifiques… et silencieux. Giei Sato mentionne l’histoire traditionnelle d’un moine qui « atteignit l’éveil grâce au bruit que fit une petite pierre heurtant un bambou tandis qu’il était en train de balayer ».
L’approche monastique de la solitude va donc au-delà du seul fait de se retrouver seul. Etre seul pour lire, faire du sport ou regarder la télévision ne rentre pas dans le cadre de cette définition. Du point de vue des moines, ce sont des activités qui viennent meubler inutilement l’espace que la solitude vise à libérer.
Si la solitude et le silence peuvent nourrir les moines, ne peuvent-elles pas aussi nourrir les décideurs ?
La solitude du décideur
En tant que décideur, vous avez probablement aussi une expérience de la solitude. De même qu’il y a le mal des montagnes, quand l’altitude met le corps à l’épreuve, il y a la solitude des sommets, quand les responsabilités deviennent un fardeau qui ne peut se partager ni avec la famille, ni avec les collaborateurs, ni avec les actionnaires ou supérieurs. Solitude des sommets aussi, quand vous remarquez, après une promotion, que les collaborateurs dont vous vous sentiez proche tendent à prendre de la distance, non pas parce que vous avez changé, mais parce que vous représentez maintenant davantage d’autorité. (…)
Aménager des temps de solitude qui vous nourrissent
Les moments où la solitude nourrit et donne du sens arrivent rarement à l’improviste dans une vie de décideur. Les activités sont si nombreuses que, sans attention particulière, les chances d’en trouver sont faibles, même en dehors de vos journées de travail.
Si vous avez, comme la plupart des dirigeants et managers, une personnalité portée sur l’action, ce nombre d’heures est probablement très limité. En prendre conscience est une première étape.
Si vous souhaitez vous octroyer des moments de solitude supplémentaires, il paraît impératif de ne pas les laisser au hasard et de les aménager consciemment.
Que faire pendant ces moments de solitude ? Si vous êtes croyant ou pratiquant, vous pouvez vous inspirer par la pratique spirituelle dont vous êtes familier (prière, méditation). Dans le cas contraire, d’autres moyens sont à votre disposition, afin de donner une qualité porteuse de sens à votre solitude. L’attention régulière portée à vos valeurs est l’un d’entre eux.
Vos valeurs sont ce qui compte le plus pour vous, ce qui donne sens à votre vie. Si vous vivez en décalage avec elles, il est inévitable de ressentir, tôt ou tard, un déficit de sens. Un tel décalage se met en place facilement quand on vit dans l’action. Vivre en pleine harmonie avec ses valeurs n’arrive pas par chance. Une discipline continue est requise, faite de contrôles réguliers, de la même façon qu’une voiture doit être révisée régulièrement.
Des moments de solitude réguliers centrés sur vos valeurs augmentent vos chances de vivre en harmonie avec elles. La première étape, fondamentale, consiste à bien identifier ses valeurs. Mon expérience est que peu de gens en ont une vue claire, dirigeants et managers ne faisant pas exception. Confrontés à la question, « qu’est-ce qui a le plus de sens dans votre vie ? » ou « quelles sont vos valeurs », la plupart des gens se mettent à réfléchir un long moment, souvent sans pouvoir donner une réponse très claire et structurée.
Il y a une hiérarchie des valeurs : les plus importantes sont appelées « valeurs fondamentales » ou « valeurs clefs ». Au nombre de trois ou quatre généralement, ce sont celles pour lesquelles vous n’êtes pas prêt au compromis. Lorsque vous ne les respectez pas, ou lorsque votre entourage ne les respecte pas, vous ressentez un malaise immédiat et parfois de la colère. Par exemple, si l’honnêteté est une valeur fondamentale pour vous, être mis dans une situation où l’on veut vous forcer à être malhonnête (une demande de votre patron, par exemple) vous sera insupportable. Etre en relations d’affaires avec une personne (client ou fournisseur) que vous jugez malhonnête le sera tout autant. En dehors des valeurs clefs, les autres valeurs, souvent au nombre d’une dizaine, sont importantes mais moins cruciales : des compromis partiels ou temporaires peuvent être envisagés. (…)
Vivre sans se référer régulièrement à vos valeurs revient à naviguer sans instruments de navigation ou à gravir une montagne dans le brouillard. Les chances d’arriver à une mauvaise destination sont élevées, c’est pourquoi il est essentiel de prendre le temps de faire le point régulièrement et de remettre votre vie sur le bon cap. Cette pratique permet de transformer une solitude qui pèse en solitude qui nourrit.
Quand les décideurs s’inspirent des moines, Sébastien Henry
Dunod – InterEditions (Mars 2012 ; 264 pages)