NOS CHERS DISPARUS
Pourquoi gardons-nous les souvenirs des êtres aimés disparus ?
Pourquoi est-il si difficile d’effacer les photos, les numéros de téléphone, et les noms de ceux qui nous ont tant aimés et qui ne sont plus là ? Pourquoi ces souvenirs, ces reliques, continuent-ils d’occuper une place spéciale dans nos vies ?
Peut-être êtes-vous comme moi : dans mon carnet d’adresses, subsistent encore les contacts de ceux que j’ai perdus. Impossible de supprimer leur numéro, même quand je sais qu’il a été attribué à quelqu’un d’autre. Cela me rattache à eux, à un temps et à des moments précieux.
Tout autour de nous, des objets témoignent de leur présence. Certains conservent des vêtements, comme la veste de leur père ou les chemises de leur mère. D’autres cuisinent avec les casseroles familiales ou bricolent avec les outils de grand-père, jouant des mélodies sur l’instrument chéri du défunt. Pourquoi avons-nous ce besoin d’attraper ces souvenirs ? Est-ce là une forme de fétichisme, ou simplement une manière naturelle de faire face à la perte ?
Lorsqu’un être cher nous quitte, il laisse derrière lui un univers matériel chargé d’émotion. Pour certains, le partage de ces biens ou leur abandon se fera sans remords, tandis que d’autres peineront à s’en séparer. Les spécialistes du deuil soulignent l’importance de prendre le temps d’apprivoiser l’absence avant d’agir. Garder ces souvenirs devient un acte symbolique, une façon de maintenir un lien avec la personne disparue.
Les objets, qu’ils soient des bijoux, des vêtements ou des lettres, jouent un rôle vital dans notre processus de deuil. Ils nous aident à naviguer à travers la douleur et à garder vivante la mémoire de l’être aimé. La perte et le deuil, indéniablement, sont des épreuves difficiles, et certains n’en réchappent jamais.
Ne pas vouloir se séparer des souvenirs pourrait également signifier que l’on n’a pas encore accepté la réalité de la perte. C’est souvent dans cette phase de « négociation » que l’on se retrouve, où conserver les souvenirs est une façon de préserver l’espoir qu’un jour, ils pourraient revenir.
« Dans de nombreuses cultures, cette pratique n’est pas nouvelle. Dans le bouddhisme, il est courant de conserver une partie des cendres d’un défunt sous forme de relique, tandis que le christianisme valorise la bénédiction d’objets et de photos pour maintenir une connexion spirituelle. Depuis l’Antiquité, les bijoux funéraires, tels que des médaillons renfermant des mèches de cheveux, symbolisent le respect pour les disparus et leur mémoire. » explique un spécialiste des cérémonies funéraires
Dans les familles traditionnelles, la réticence à se séparer des objets des défunts est presque instinctive. Tout cela fait partie de l’héritage, souvent partagé entre enfants et proches, mais cela peut aussi engendrer déceptions et rancœurs.
Et que dire des numéros de téléphone, des emails, des messages et des posts ? Ces choses éphémères et volatiles ? Un numéro de téléphone représente-t-il finalement un lien vers l’au-delà ? Pour beaucoup, effacer un numéro, un email, c’est comme tuer la personne une seconde fois — une pensée intolérable. Des artistes comme des anonymes confient souvent garder ce lien intact.
Pour ma part, j’ai choisi de conserver les pulls, les messages, les tickets, et les numéros de téléphone de ceux que j’ai aimés. Tant que je garde ces connexions, ces chers disparus vivent en moi. Chaque souvenir est une promesse : tant qu’ils demeurent dans mon cœur et ma mémoire, ils ne seront jamais totalement oubliés.
Marie-Pierre Medouga
Sources :
https://www.residence-funeraire.coop/chroniques/quand-departir-des-objets-defunt-1165/
https://hommage-eternel.com/les-objets-memoriels/
Le nouvel obs – 2018